Néonicotinoïdes

La fin des néonicotinoïdes en Europe : Et maintenant ?



Photo : Lavi Perchik

En janvier 2023, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu son verdict sur les dérogations attribuées aux cultivateurs de betteraves pour l’utilisation des néonicotinoïdes. A présent, quel avenir est attendu pour le secteur de la betterave ?

Depuis leur apparition sur le marché dans les années 90, les néonicotinoïdes ont fait l’objet de plusieurs études qui ont démontré leur impact néfaste sur les pollinisateurs. Ces insecticides sont qualifiés de systémiques, c’est-à-dire qu’une fois appliqués sur les feuilles ou enrobés autour des graines, ils se déplacent dans la plante et plus particulièrement dans la sève. Cette méthode s’avère très intéressante pour les agriculteurs car à la place de pulvériser de l’insecticide sur les plantes et toucher tous les insectes de la zone, seuls ceux qui s’attaquent directement à la plante s'intoxiquent.

Le problème est que ces produits agissent sur le système nerveux des insectes, plus précisément sur les récepteurs « nicotiniques », ce qui peut tuer les abeilles, les déboussoler ou jouer sur leur mobilité. De plus, l’insecticide présent sur les graines reste dans le sol pendant plusieurs années, ce qui impacte les cultures suivantes et les plantes alentour.

En 2018, la Commission européenne interdit l’utilisation en plein air des trois « néonics » principaux : l’imidaclopride, le clothianidine et le thiaméthoxame. Certains États membres, dont la Belgique, octroient toutefois une dérogation pour les cultivateurs de betteraves dont les cultures sont victimes de pucerons porteurs de virus de la jaunisse. Cette décision est motivée par le fait qu’aucune alternative aux néonicotinoïdes n’existe encore et que les plants sont cultivés avant leur floraison, les abeilles ne peuvent donc pas venir butiner.

Suite à ces autorisations, deux associations, PAN Europe et Nature & Progrès Belgique, ainsi qu’un apiculteur, interpellent le Conseil d’État sur la légalité de cette dérogation. L’État belge se tourne alors vers la Cour de justice de l’Union Européenne pour trancher la question. Le verdict tombe le 19 janvier 2023, stipulant que “les États membres ne peuvent pas déroger aux interdictions expresses de mise sur le marché et d’utilisation de semences traitées à l’aide de produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes”. Il est donc nécessaire de trouver d’autres solutions rapidement.

Des nouvelles pistes à envisager

Les États membres n’ont cependant pas attendu cette décision européenne pour financer des travaux de recherches destinés à développer des méthodes de lutte devant remplacer les néonicotinoïdes. Récemment, la France et son Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), a mandaté un groupe d’experts pour faire le point sur les alternatives existantes. Le dernier groupe de travail était présidé par le Pr. François Verheggen, qui enseigne entre autres les alternatives aux insecticides à Gembloux Agro-Bio Tech.

Ces études ont permis de dégager plusieurs choix contre les pucerons. Pour évaluer chaque alternative, l’équipe du Pr. François Verheggen s’est basée sur trois critères : leur efficacité, la facilité de les appliquer et leur durabilité (donc respectueuse de l’environnement).

Les insecticides de synthèse comme le Flonicamid et la Spirotetramat semblent être le meilleur compromis entre les trois critères. Ce n’est pas la méthode la plus durable mais elle reste la plus efficace et la plus facile à appliquer. Ce serait donc une solution à court terme et mise en place rapidement pour cette année en Belgique.

Dans les autres options, moins efficaces, on trouve des insecticides naturels comme des huiles essentielles d'orange, le spinosad et l’huile de neem (extrait du margousier). Il existe aussi des pratiques agricoles, par exemple les couverts végétaux (ou cultures intermédiaire) et le paillage. L’huile de paraffine est aussi envisageable.

Pour François Verheggen, seules, aucune de ces techniques ne sont aussi efficaces que les néonicotinoïdes. Elles représentent aussi un coût en produits, en main-d'œuvre et en formation. Ce sont des dépenses que les agriculteurs ne pourront pas se permettre et il sera nécessaire que l’État intervienne financièrement.

 

Myzus persicae (PLoS)

 

Cependant, l’utilisation d’insecticides de manière raisonnée et d’alternatives plus respectueuses de l’environnement pourrait avoir un effet bénéfique à long terme sur la biodiversité et sur les cultures. Comme l’explique le Pr. Francçois Verheggen :

« Il faut se rappeler que si les bioagresseurs pullulent, c'est parce qu'avec des monocultures et sans diversité végétale, leurs ennemis naturels ne peuvent pas survivre, se multiplier, et donc réguler naturellement les populations de ces bioagresseurs. » 

Le dernier élément qu’il convient de prendre en compte est la réémergence d’anciens bioagresseurs, comme les larves de taupin, qui s’attaquent aux racines des betteraves et qui étaient jusqu’alors maitrisés par les néonicotinoïdes.

La solution sur laquelle les chercheurs se penchent n’est donc pas de savoir qui est le meilleur remplaçant des néonicotinoïdes mais quelle combinaison permettra d’obtenir un résultat similaire sans nuire à la biodiversité autour des cultures et dans leur sol. De son côté, l’État devra accompagner les agriculteurs dans cette transition en fournissant de nouvelles aides et en se préparant contre les nouvelles menaces.

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