Une publication dans Nature Communications

Restaurer la nature au-delà des forêts : une nouvelle carte pour repenser la conservation écologique



imgActu
Mosaïque de forêt - savane / vue aerienne, avec empreinte de feux induits en savane. Région de Malebo, MaiNdombe, RDC. | ©️ Frédéric Créteur

Une étude internationale pilotée par l’Université de Liège propose une nouvelle cartographie du potentiel de végétation naturelle sur Terre, bien au-delà des forêts. En intégrant le rôle du feu et des herbivores, les chercheurs ouvrent la voie à une approche plus réaliste et inclusive de la restauration des écosystèmes. Cette étude fait l'objet d'une publication dans Nature Communications.

F

aut-il forcément planter des arbres pour restaurer la nature ? "Pas nécessairement", répond le professeur Jean-François Bastin (ULiège, Gembloux Agro-Bio Tech). Une nouvelle étude pilotée à Gembloux Agro-Bio Tech propose une cartographie inédite des végétations naturelles potentielles de la Terre. En tenant compte du climat, mais aussi des régimes d’incendie et de la présence d’herbivores, cette étude démontre que la nature ne se limite pas aux forêts et que restaurer les écosystèmes nécessite de s’ouvrir à une diversité de paysages.

Traditionnellement, la restauration de la nature est assimilée à la reforestation. Cette approche binaire  - forêts ou rien - omet la richesse des écosystèmes ouverts : savanes, prairies, broussailles, zones semi-désertiques. "Nous voulons dépasser l’opposition “pro ou contre la reforestation” en montrant qu’il existe d’autres états naturels possibles, tout aussi légitimes", explique le Jean-François Bastin.

Grâce à un modèle prédictif nourri de plus de 40 000 relevés écologiques dans des zones protégées et de six grands jeux de données climatiques, les chercheurs ont estimé les formes de végétation que chaque région de la planète pourrait naturellement supporter. Et les résultats sont saisissants !

  • 43 % des terres émergées pourraient être naturellement boisées,
  • 39 % pourraient accueillir des végétations basses (herbacées ou arbustives),
  • 18 % seraient dominées par du sol nu (hors surfaces glacées ou urbaines).

Plus encore, l’étude identifie environ 675 millions d’hectares où plusieurs états de végétation sont possibles selon la manière dont le feu ou l’herbivorie* sont gérés. Ces paysages peuvent donc basculer, à gestion équivalente, entre forêts et savanes, ou entre broussailles et prairies.

Figure1 GANVC 22052025

Potentiel naturel de végétation naturel pour un scénario médian de feux et d'herbivorie calibré par eco-region. La figure présente une carte composite (a) et des cartes par type de couvert (b-d). | © Université de Liège / JF Bastin

Feu, herbivores et choix humains : les vrais moteurs de la nature

Le modèle mis au point par l’équipe de Gembloux Agro-Bio Tech introduit deux facteurs souvent négligés dans la planification écologique : les feux de végétation et les grands herbivores sauvages. "Notre étude montre que la gestion de ces facteurs a parfois un impact plus fort sur le paysage que le changement climatique lui-même à l’horizon 2050".

C’est une révolution dans la manière de penser la restauration. Là où l’on voyait des états figés dictés par le climat, cette recherche rappelle que les paysages sont aussi le fruit de la dynamique naturelle et des choix humains. Ignorer cela, c’est risquer l’échec. Au contraire, reconnaître que plusieurs trajectoires de restauration sont possibles, c’est ouvrir un dialogue plus riche entre scientifiques, gestionnaires, décideurs et communautés locales.

Figure2 GANVC 22052025 corr

Potentiels alternatifs de couverts de végétation naturelle. La carte illustre les zones du monde présentant une modification significative de type de couvert en fonction du scénario choisi. | © Université de Liège / JF. Bastin

Un outil au service des décideurs

Loin de rester théorique, le modèle développé est consultable en ligne (via EarthMap et Google Earth Engine) et permet de visualiser les effets attendus de différentes politiques de gestion (fréquence des incendies, réintroduction d’herbivores…) sur la végétation naturelle potentielle dans une région donnée.

Les cartes issues de ce travail sont accessibles à tous : ONG, agences gouvernementales, organisations internationales. En simulant différents scénarios, chaque acteur peut mieux anticiper les conséquences de ses décisions. C’est un véritable outil d’aide à la décision, qui rend tangible la complexité des écosystèmes tout en favorisant des stratégies adaptées au contexte écologique et social local.


*Herbivorie : le fait, pour un animal, de se nourrir de végétation vivante principalement d’herbes, de feuilles, de jeunes pousses, de branches ou de fruits.

Liens utiles

Référence scientifique

Bastin J.-F., Latte N., Bogaert J., Garcia C. et al., Global alternatives of natural vegetation cover, Nature Communications, 2025

https://doi.org/10.1038/s41467-025-61520-8

Contact 

Jean-François Bastin

Publié le par Julie Louis

Partagez cette news

cookieImage