Que devient le sol sous permaculture ?



Les limites environnementales et écologiques des modèles d’agriculture et de maraîchage conventionnels ne sont plus à démontrer. Alors que la planète est confrontée à une urgence environnementale (déséquilibres des cycles biogéochimiques et climatiques), de nombreux modèles dits d’agriculture de conservation sont en train de voir le jour chez une multitude d’agriculteurs. Au sein de ces modèles, le fonctionnement des sols joue un rôle fondamental.

Intéressés par l’innovation directement construite et instruite par le monde agricole, une équipe de recherche de l’Axe Échanges Eau-Sol-Plante de Gembloux Agro-Bio Tech (F. de Tombeur, V. Sohy, G. Colinet et J-T. Cornelis) et d’AgroParisTech (C. Chenu) ont étudié le modèle de maraîchage dit de permaculture au sein de la ferme du Bec Hellouin en Normandie (France). Le but de l’étude est de comprendre les effets des pratiques de permaculture sur le fonctionnement des sols et plus particulièrement sur la dynamique des matières organiques.

La ferme du Bec-Hellouin est une micro-ferme dont les pratiques s’inspirent de la permaculture et du maraîchage bio-intensif ; c’est-à-dire un usage intensif des ressources biologiques à travers un mimétisme du fonctionnement écologique des écosystèmes*. Ces pratiques sont caractérisées par (1) une intensification des cultures sur petites surfaces (2) la non-utilisation d’engrais minéraux et de produits phytosanitaires (3) un travail réduit du sol (4) des apports exceptionnellement élevés et très localisés de matières organiques (ici du fumier de cheval) (5) une mécanisation quasi inexistante et (6) une forte quantité de travail par unité de surface cultivée. Les sols sous permaculture ont été étudiés à la lumière des propriétés des sols sous pâturage et sous agriculture conventionnelle, dans un contexte géopédoclimatique similaire. 

Les résultats ont montré que les stocks de matière organique dans les sols sous permaculture étaient jusqu’à 1.5 fois plus élevés que dans le sol sous pâturage, et jusqu’à 6.5 fois plus élevés que dans les sols sous agriculture conventionnelle. Cette augmentation est essentiellement contrôlée par des matières organiques dites ‘particulaires’, non associées aux phases minérales du sol, et améliore les propriétés physico-chimiques du sol. Les processus de décomposition de ces fortes concentrations en matières organiques sous permaculture contribuent à l’augmentation de la concentration en éléments phyto-disponibles pour la culture des légumes. 

Toutefois, ces stocks importants de matières organiques résultent de l’accessibilité à une forte quantité de fumier, dont l’amendement est concentré sur de petites surfaces cultivées. L’étude de la répartition et du cycle de vie du carbone au sein des paysages agricoles affectés par les techniques de maraîchage bio-intensif représente ainsi une priorité afin de mieux contraindre la  cohérence d’un tel type de modèle agricole. 

L’étude a par ailleurs fait l’objet d’une publication dans la revue scientifique Frontiers in Environmental Science

*Morel et al. (2018) Permaculture. Encyclopedia of Ecology, 2nd edition, https://doi.org/10.1016/B978-0-12-409548-9.10598-6

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