Peut-on prédire l’odeur d’une molécule sur base de sa structure ?



Comment, en regardant la structure d'une molécule, le Pr Marie-Laure Fauconnier fait-elle pour prédire son odeur?

C'est l'objet de son dernier article scientifique intitulé "Is It Possible to Predict the Odor of a Molecule on the Basis of its Structure?" publié dans l'International Journal of Molecular Sciences.

L’olfaction est la perception sensorielle dominante pour de nombreux animaux. Lorsque Richard Axel et Linda B. Buck ont reçu le prix Nobel en 2004 pour la découverte du rôle des récepteurs couplés aux protéines G dans les cellules olfactives, ils ont mis en exergue l'importance de l'olfaction aux yeux de la communauté scientifique.

Odeur2Plusieurs théories ont tenté d'expliquer comment les cellules du bulbe olfactif sont capables de distinguer une telle variété de molécules odorantes : selon les sources de 400.000 à un million de molécules différentes. Et la réponse à la question "Peut-on prédire l’odeur d’une molécule sur base de sa structure ?" est loin d’être triviale.

Pour de nombreuses classes de composés, on peut prédire avec une assez bonne précision l’odeur qu’aura une molécule volatile par analogie de structure. Par exemple, les esters ont une odeur fruitée et florale, les lactones ont un caractère de noix de coco ou d'abricot, les amines ont une odeur animale ou grillée, les thiols ont une odeur de pourriture ou d’ail, les acides gras volatils ont une odeur aigre à rance et les aldéhydes sont associés aux odeurs vertes comme celle d’herbe fraîchement coupée. 

A contrario, des molécules possédant des structures proches vont présenter des odeurs très différentes. C’est particulièrement frappant pour les énantiomères, des molécules qui présentent exactement la même structure mais qui sont des "images-miroir" l’une de l’autre et qui ont la plupart du temps une odeur différente. Pour compliquer encore un peu le tableau, des molécules présentant des structures complètement différentes présenteront la même odeur.

Dans cet article, sont décrites les dernières connaissances dans le domaine de l’olfaction. Autant le fonctionnement de la vue et l’ouïe sont décrits de manière très détaillée dans la littérature scientifique, autant ce n’est toujours pas le cas pour l’olfaction.

Les récepteurs olfactifs, au nombre de 396 chez l’humain, peuvent, en effet, interagir avec plus ou moins d’affinité avec plusieurs composés différents alors qu’une même molécule peut être perçue par plusieurs récepteurs distincts. C’est un traitement neuronal de l’information qui permet in fine l’association d’une odeur à une molécule donnée. De plus, le sexe, l'âge, l'origine culturelle et les différences individuelles contribuent aux variations de perception des odeurs qui compliquent le tableau. 

Les études d'olfaction ne se limitent plus aux parfumeurs et aux aromaticiens. L'importance du sens olfactif retient de plus en plus l'attention du domaine médical. Un système olfactif déficient a un impact sur la santé physique, la nutrition et le plaisir à s’alimenter, et plus généralement, sur la qualité de vie. La sensibilisation à l'importance de l'olfaction pour la santé humaine est cruciale. La perte de l'odorat peut être un signe avant-coureur de maladies neurodégénératives comme la maladie d'Alzheimer ou la maladie de Parkinson et peut aider à leur diagnostic.

Dans de nombreux pays, renifler de la nourriture est considéré comme impoli. Cette question culturelle a progressivement contribué au déclin de l'olfaction dans la vie quotidienne.

Du point de vue de la santé publique, il est crucial de restaurer le rôle central de l'olfaction entre nos cinq sens en changeant les mentalités et en encourageant les enfants à sentir et à apprécier ce qu'ils mangent. Les aînés devraient également stimuler leur olfaction pour contrecarrer leur perte de capacité olfactive.

Les grandes variations interindividuelles dans les capacités olfactives et l'augmentation des ensembles de données récoltées dans les études de l’olfaction ouvrent la voie à de nouveaux domaines d'études comme le développement de nez électronique très évolués grâce au « machine learning ». Ces avancées devraient contribuer à mieux comprendre la relation structure d’une molécule volatile – perception olfactive.

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