Et si les plantes se défendaient elles-mêmes contre les agresseurs ?



Cela fait plus de 30 ans que les phyto-oxylipines sont au cœur de la recherche en biochimie et en biologie végétale. Pourtant de nombreuses zones d’ombres persistent encore à l’heure actuelle. Dans un article publié cette semaine dans le prestigieux journal Trends in Plant Science, Estelle Deboever, doctorante à Gembloux Agro-Bio Tech - ULiège, y démontre à quel point le potentiel de ces molécules est sous-estimé.

De manière générale, le terme « oxylipine » fait référence à une classe de molécules retrouvées chez presque tous les organismes vivants, notamment les mammifères et les plantes supérieures. Chez les plantes, elles sont réputées pour leurs implications dans la croissance et le développement végétal mais aussi dans la réponse à un stress externe (sécheresse, changement de luminosité, attaque d’un pathogène ou d’un herbivore).


Comme les animaux, les plantes ont développé un système immunitaire, certes très différent et plus rudimentaire [1]. Dans ce système, les phyto-oxylipines y sont présentées comme de potentiels éliciteurs qui, à l’image des vaccins, sont des agents capables d’induire une réaction de défense chez la plante exposée à ceux-ci. De plus, ces molécules pourraient avoir un effet direct sur les pathogènes attaquant la plante, faisant ainsi de ces simples molécules signal une potentielle source de biopesticides.


Il semblerait également que la membrane plasmique des plantes soit un des éléments clés de ce mécanisme de défense. En effet, dans une étude publiée cette année, il avait été démontré par la jeune chercheuse et ses promotrices, le Pr. Marie-Laure Fauconnier et les Dr. Magali Deleu et Dr. Laurence Lins, que la partie lipidique de la membrane végétale était un élément crucial de l’interaction avec les phyto-oxylipines [2]. Des études complémentaires sont nécessaires pour identifier les lipides supplémentaires impliqués dans ces interactions et pour mettre en évidence des schémas lipidiques communs ou distincts parmi les infections par des agents pathogènes.


De plus, vu les ressemblances flagrantes entre les oxylipines végétales et animales, il devient de plus en plus clair que les organismes utiliseraient couramment la voie des oxylipines comme moyen de communication pour susciter des réponses biologiques. Bien que les prémices d’un échange entre plantes et champignons aient été mis en évidence il y a quelques années [3], on ne sait rien des interactions avec le monde bactérien et tout reste à découvrir dans les autres pathosystèmes.


Ces questions font notamment l’objet de la thèse de doctorat d’Estelle Deboever et des sujets de recherche de ses promotrices. 

Oxylipine : Grande classe de métabolites lipidiques dérivés de l’oxydation des acides gras polyinsaturés (AGPI).


Lire l’article scientifique publié récemment dans trends in plant science

 

plantes

 

 

[1] Jones, J. D. G. & Dangl, J. L. The plant immune system. Nature 444, 323–329 (2006).
[2] Deleu, M. et al. Linoleic and linolenic acid hydroperoxides interact differentially with biomimetic plant membranes in a lipid specific manner. Colloids Surfaces B Biointerfaces 175, 384–391 (2019).
[3] Christensen, S. A. & Kolomiets, M. V. The lipid language of plant-fungal interactions. Fungal Genet. Biol. 48, 4–14 (2011).

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