Une publication dans Science

Les plantes maintiennent le cycle du silicium terrestre au fur et à mesure de la régression de l'écosystème



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Une étude menée par des chercheurs du TERRA (Gembloux Agro-Bio Tech / ULiège) sur des sols formés sur une séquence de deux millions d’années sur la côte Ouest australienne fourni de nouvelles informations sur le cycle du silicium dans les écosystèmes terrestres. Cette recherche prouve que le silicium a tendance à augmenter dans les plantes avec le temps, alors que d’autres nutriments majeurs diminuent avec l’augmentation de l’altération du sol. Ces recherches ont fait l’objet d’une publication dans le journal Science.

L

e cycle du silicium est connu pour être connecté au cycle  global du carbone, notamment via l’importance du silicium (Si) pour la productivité des diatomées dans les océans et dans l'altération des minéraux silicatés sur les continents. Le silicium est également reconnu comme étant un nutriment bénéfique pour les plantes, influençant favorablement leur productivité et améliorant leur résistance aux herbivores et aux pathogènes. Une collaboration internationale  menée par l’équipe du Professeur Jean-Thomas Cornelis de l’Université de Liège (Unité de recherche TERRA / Gembloux Agro-Bio Tech), en collaboration avec le Smithsonian Tropical Research Insitute (Panama), l’Université de Montréal (Canada), l’Université LaSalle-Beauvais (France) et l’University of Western Australia (UWA) vient de mettre au jour un changement majeur dans le cycle sol-plante du silicium au fur et à mesure du développement des sols et des écosystèmes.

C’est en se basant sur des précédentes recherches menées à l’UWA par le Pr. Hans Lambers sur la surprenante adaptation racinaire de plantes poussant dans des sols très pauvres en nutriments que Félix de Tombeur, chercheur à l’ULiège (Terra/Gembloux Agro-Bio Tech) et premier auteur de l’article, s’est rendu en Australie avec Jean-Thomas Cornelis afin de mieux comprendre le cycle du silicium dans ces écosystèmes extrêmes et uniques au monde. "La lecture des dernières avancées scientifiques dans le domaine nous a convaincu de nous rendre sur place afin d’en apprendre un peu plus sur l’impact de la biodiversité de ces écosystèmes sur le cycle biogéochimique du silicium", explique le Félix de Tombeur.   « Les chronoséquences de sols étudiées offrent un terrain expérimental à ciel ouvert unique au monde, ouvrant une fenêtre jusqu’à deux millions d’années pour nous aider à comprendre les processus se déroulant au sein des sols et leurs impacts sur le fonctionnement des écosystèmes» ajoute Jean-Thomas Cornelis.

« Nous avons découvert que le silicium absorbé par les plantes et précipité au niveau des feuilles pour former des structures d’opale biogénique (appelées phytolithes) contribue largement au cycle terrestre du silicium lorsque le sol devient quasiment totalement appauvri en minéraux d’origine inorganique, reprend le chercheur. Lorsque les feuilles tombent, ces petites structures siliceuses sont libérées lorsque la matière organique se décompose et viennent donc réalimenter le pool de silicium du sol » Ces phytolithes, beaucoup plus solubles que le quartz, peuvent devenir une source importante de silicium disponible dans le sol pour les plantes. « Notre étude montre également que, contrairement aux principaux éléments nutritifs dérivés des roches, tels que le phosphore, le potassium, le calcium ou le magnésium qui diminuent dans le sol et les plantes avec l'âge de l'écosystème, les concentrations de silicium dans les plantes augmentent régulièrement, ajoute Félix de Tombeur.

Phytolithes CORNELIS DE TOMBEUR 

Phytolithes

« Cette découverte majeure montre le rôle clé joué par ces petites structures de silice dans le sol, et leur accumulation au sein des plantes, suggérant des implications importantes en termes de protection des plantes contre les herbivores et les insectes nuisibles au sein des écosystèmes » , souligne Félix de Tombeur. « L’étude menée met en lumière toute la complexité et l’importance des soil-plant feedbacks au sein du fonctionnement des écosystèmes. Lors de notre périple, nous ne nous attendions pas à une telle découverte. Cela n’en est que plus passionnant car la découverte confirme toute la beauté du fonctionnement des écosystèmes tout en soulignant l’importance du silicium, souvent oublié dans l’étude du fonctionnement des écosystèmes terrestres » conclut Jean-Thomas Cornelis

L’histoire autour du silicium ne s’arrête d’ailleurs pas là étant donné que l’équipe du Pr. Jean-Thomas Cornelis s’est vu octroyer en 2020 un Mandat d’Impulsion Scientifique par le FNRS afin d’étudier l’effet des changements climatiques sur les processus contrôlant le cycle du silicium.

Référence scientifique

de Tombeur, B. L. Turner, E. Laliberté, H. Lambers, G. Mahy, M-P. Faucon, G. Zemunik, J-T. Cornelis, Plants sustain the terrestrial silicon cycle during ecosystem retrogression, Science, September 2020.

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