Huiles essentielles

Le projet de recherche collaboratif d’étudiants GxABT au Sénégal

Stages étudiants



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Depuis plusieurs années, un stage de deux mois est proposé aux étudiants pour travailler sur la valorisation d’huiles essentielles au Sénégal dans le cadre d’une collaboration Nord-Sud financée par « Wallonie-Bruxelles International ». L’occasion rare d’un échange de savoir et de culture dans le contexte du développement d’une filière de production d’huiles essentielles.

Le laboratoire de Chimie des Molécules Naturelles collabore depuis 2013 avec L’ITA de Dakar (Institut de Technologie Alimentaire) et l’UGB de Saint-Louis (Université Gaston Berger) au développement d’une filière de production d’huiles essentielles au Sénégal. Des plantes locales prometteuses ont été sélectionnées, multipliées puis distillées afin de produire des huiles essentielles de haute qualité. Ces huiles essentielles ont été caractérisées chimiquement et leurs applications dans le contexte du Sénégal ont été évaluées (agro-alimentaire, cosmétique, phytopharmacie, parapharmacie).

« De nombreuses applications étaient possibles. Des yogourts aromatisés, du sirop contre la toux, des savons ou du gel douche, des huiles de massages, etc. » expose Marie-Laure Fauconnier, co-fondatrice du projet ainsi que conseillère scientifique et pédagogique. « C’est au terme de ces phases préliminaires que des étudiants de Gembloux Agro-Bio Tech étaient invités réaliser un stage sur place afin d’étudier sur place les applications potentielles de ces huiles ».

Cette année, ce projet collaboratif a débouché sur la création de la Société par action simplifiées « La Sénégalaise des Huiles essentielles » (SEN HE) qui regroupe 21 sociétés sénégalaises en lien avec la production, l’utilisation ou la commercialisation de produits à base d’huiles essentielles (cosmétique, agro-alimentaire, santé). Parmi ces 21 sociétés partenaires, plusieurs sont des groupements de femmes ou des entreprises crées par de jeunes entrepreneurs.

L’aventure ne s’arrête pas là puisque de nouveaux projets sont envisagés pour permettre la production par des groupements féminins villageois, dans différentes régions du Sénégal, d’huiles essentielles virucides et insecticides. À la frontière de la recherche et de la coopération au développement, il y a encore de belles opportunités de stages et de travaux de fin d’études à venir pour les étudiants gembloutois.

Le voyage d’étudiants gembloutois au Sénégal

Clément Burgeon, le premier d’entre eux à partir, y a analysé le rendement d’extraction des huiles essentielles et en a testé les propriétés insecticides. Doctorant au laboratoire de Chimie des Molécules Naturelles, il explique : « Les insectes peuvent causer des dégâts importants dans les cultures ou lors du stockage post-récolte des grains, conduisant à des pertes conséquentes. On en a alors déduit l’orientation de nos recherches vers un insecticide ». C’est à partir de ces prémices que plusieurs groupes d’étudiants se sont succédés pour poursuivre cette étude.

Laura Lheureux, ingénieure de recherche dans ce même laboratoire, a repris les recherches de caractérisation des huiles. Elle s’est également penchée sur l’expérimentation d’une formulation à base d’argile locale pour fixer les huiles essentielles et permettre un relargage lent de ces huiles dans les cultures et silos de stockage.

Soleiman Abir et Thomas De Zutter, étudiants en 2e année de Master en chimie et bio-industrie, y ont ensuite approfondi les recherches de comparaison des huiles essentielles en termes de rendement d’extraction et d’activité insecticide. Cette étude a été menée sur des ravageurs du maïs et du niébé en stockage post-récolte. « Lippia alba, l’une des variétés d’huiles étudiées, a donné des résultats prometteurs. En effet, cette formulation a montré une très bonne efficacité insecticide à faible concentration », détaille Soleiman. « De plus, l’alba est une verveine commune du Sénégal présentant un très bon rendement d’extraction, deux critères importants dans le développement d’un biopesticide compétitif face aux pesticides conventionnels », affirme Thomas.

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En date du 2 juillet dernier, ce sont les étudiants Sarah Suffys et Florian Martini qui reprendront ces projets de recherches sur place. « Les insectes sont un matériel vivant. Ils peuvent s’adapter, notamment aux insecticides chimiques composés d’une seule substance active. Cela peut donc créer des résultats variables sur l’effet de mortalité. C’est une contrainte à laquelle on doit s’adapter », développe Sarah. « Justement, les huiles essentielles sont un mélange fort complexes. C’est la combinaison de nombreuses substances qui sont responsables des effets recherchés. On parle dans ce cas d’un effet synergique », renchérit Florian. « On peut donc s’attendre à une plus grande difficulté dans l’adaptation et la résistance des insectes face à ce produit. Qui plus est, l’argile sélectionnée présente l’avantage d’avoir un effet abrasif sur la cuticule (carapace) des insectes, en plus de permettre le relargage à plus long terme de ces molécules volatiles. L’association des deux produits pourrait renforcer l’effet recherché et fournir des résultats probants pour ce futur insecticide ».

La chimie verte, une perspective motivante

Lorsqu’on les interroge sur leurs motivations, Sarah et Florian ne manquent pas d’enthousiasme. « J’étais motivé de découvrir une nouvelle culture, de voyager et de me confronter aux réalités de terrain », explique Sarah Suffys. « En effet. Sur le terrain, on constate qu’il faut apprendre à se débrouiller sans certains matériels. Ce sera l’apprentissage de la débrouille et de pratiques économes. Il y a certainement des façons de faire là-bas qui sont bien différentes de celles dont nous sommes habitués ici mais qui fonctionnent tout aussi bien. Ce sera également l’occasion de travailler sur des matières naturelles et de pratiquer une approche plus éco-responsable de la recherche : la chimie verte », renchérit Florian. 

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« La chimie verte regroupe un ensemble de pratiques et de principes visant à inscrire la chimie moderne dans une démarche plus durable et respectueuse de l’environnement. Elle consiste notamment en l’utilisation de substances naturelles, renouvelables, , comme par exemple celles issues de plantes qui sont extraites à l’aide de méthodes employant des solvants plus sécuritaires ou même pas de solvant du tout (e.g. hydrodistillation dans ce cas-ci). C’est un changement de paradigme qui s’opère dans le domaine des sciences du vivant. J’étais particulièrement intéressé par cette évolution dans l’approche scientifique et j’espérais pouvoir y participer. C’était une vraie motivation dans mon choix pour ce stage au Sénégal. Et ce voyage, c’est l’opportunité de pratiquer la chimie en dehors des laboratoires habituels. Les chimistes sont souvent moqués ou critiqués pour être toujours enfermés dans les mêmes locaux. C’était donc une chance de manipuler dans un environnement complètement inédit ».

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