Projet Copperflora

Dix ans de support à la conservation des métallophytes en RDC



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Le programme de conservation de la flore cupro-cobalticole du sud de la RDC (Provinces du Haut Katanga et Lualaba) développé entre l’unité Biodiversité et Paysage et la société Tenke Fungurume Mining comptabilise dix ans d’étroite collaboration. Entre recherche, conservation, formation et innovation, l’équipe BP a relevé les défis avec ses partenaires.

L’Arc Cuprifère : un enjeu pour la biodiversité et l’industrie.

Mises en évidence par les professeurs Paul Duvigneaud et François Malaisse, les végétations des gisements géologiques cupro-cobaltifères du sud de la RDC suscitent l’intérêt de nombreux chercheurs du domaine de l’écologie et de l’évolution et posent aujourd’hui des défis de conservation de la biodiversité. Les gisements de l’Arc Cuprifère sont des écailles rocheuses riches en cuivre et cobalt, affleurant le plus souvent au sommet de collines (collines de cuivre), répartis sur 450 km entre Kolwezi (RDC) et Ndola (Zambie). Par altération de la roche et ruissellement, les métaux lourds contaminent naturellement les sols environnants à des concentrations élevées. La toxicité des éléments traces métalliques opère un filtre sévère sur les espèces qui colonisent ces milieux et est à l’origine de processus d’évolution et de différenciation de nouveaux taxons. Les collines de cuivre présentent des formations végétales herbacées uniques au monde caractérisées par une composition originale en espèces végétales, une richesse végétale d’environ 600 espèces sur une faible superficie (flore du cuivre), la présence de 56 taxons végétaux endémiques rares et l’action de processus évolutifs originaux et peu compris à ce jour. Ces caractéristiques en font des habitats critiques au sens de l’ « International Finance Corporation » (Note 6 – Conservation de la biodiversité) demandant des plans d’actions de gestion de la biodiversité lors de la mise en place de projets industriels.

L’exploitation minière, en croissance constante depuis 10 ans dans le sud de la République Démocratique du Congo pour répondre à la demande mondiale de cuivre et de cobalt, altère directement la biodiversité des collines de cuivre par l’extraction en mines ouvertes des minerais. Septante pourcent des taxons endémiques des collines de cuivre sont considérés « critiquement en danger » au sens des critères de l’UICN (Union Internationale de la Conservation de la Nature). En outre, la région correspond à l’une des principales régions du monde présentant des problèmes environnementaux et de santé publique associés à la contamination en métaux des sols et de l’eau.  De par son aptitude à tolérer et accumuler les métaux, la flore du cuivre constitue une ressource biologique remarquable pour de nombreuses applications éco-technologiques dans le domaine de la phytoremédiation.

Consciente de sa responsabilité sociétale et forte de son engagement à promouvoir une activité durable, la société Tenke Fungurume Mining, exploitant la plus grande concession minière en activité  de la région, a confié depuis 2007 à l’équipe Biodiversité et Paysage de Gembloux Agro-Bio Tech la responsabilité de mettre en place les mesures nécessaires au sauvetage de la diversité végétale des sites exploités.

Un plan d’action pour la biodiversité soutenu par la recherche

Face à l’urgence de développer une stratégie de conservation, au caractère évolutif d’un projet minier et au manque de connaissances scientifiques sur la restauration des écosystèmes herbacés tropicaux, le programme mené avec TFM combine recherche fondamentale, expérimentations grandeur nature de méthodes innovantes de sauvegarde de la biodiversité et application de méthodes classiques maitrisées par les sociétés minières.

L’équipe BP coordonne un réseau interuniversitaire d’équipes scientifiques internationales (ULiègeUniversité de LubumbashiULBInstitut Beauvais la SalleBotanic Garden MeiseLeuphana University Lüneburg) pour mener les recherches scientifiques nécessaires à comprendre l’organisation de la biodiversité et le fonctionnement des écosystèmes cupro-cobaltifères : diversité et organisation des communautés végétales, propriétés des sols, écologie des populations des taxons endémiques, écophysiologie de la réponse aux métaux lourds (Plus d’information sur le projet Copperflora). Quatre thèses de doctorats et une dizaine de travaux de fin d’études ont reçu le soutien direct de TFM par l’octroi de bourses, l’accès aux sites, le soutien logistique pour les travaux de terrain et le soutien pour l’équipement de laboratoire de recherche. A ce jour, plus de trente publications internationales et de nombreuses présentations en conférences sont issues de ces travaux dont certaines dans des revues prestigieuses.

En interaction directe avec la recherche, l’équipe Biodiversité et Paysage a développé un plan de conservation intégré de la diversité végétale des collines de cuivre de la concession TFM. L’objectif est de conserver la diversité végétale durant la première phase d’exploitation (25 ans) et de développer les méthodes de restauration des écosystèmes en vue de la réhabilitation des premiers sites en fin d’exploitation. Le programme s’appuie sur une combinaison de méthodes de conservation in situ et ex situ liées entre elles par des flux de matériel végétal :

  • La conservation des espèces menacées et des espèces à fort potentiel éco-technologique en banques de graines et en jardins botaniques : ces deux actions ont nécessité des études du comportement de conservation des graines, de techniques de germination, de conditions de croissance, etc. Une infrastructure de conservation de graines a été mise en place à l’Université de Lubumbashi et le programme est dupliqué au Jardin Botanique de Meise reconnu pour son expertise dans le domaine de la conservation ex situ. Un laboratoire biodiversité accompagné d’une pépinière ont été développés sur le site de TFM pour assurer la production de plants des espèces ciblées par le programme de conservation. Les plants produits sont soit transplantés dans le jardin botanique, soit transplantés dans des écosystèmes reconstruits afin de renforcer les populations.
  • La reconstruction d’écosystèmes en vue de conserver un échantillon de la diversité des communautés végétales : cette action consiste à déplacer les communautés végétales des gisements à exploiter vers un site receveur dont le sous-sol a été recréé afin de reconstituer les conditions édaphiques de l’écosystème cupro-cobaltifère. Les communautés végétales sont déplacées sous forme de ‘carpettes’ de végétation reprenant 30 à 40 cm de sols avec le système racinaire. A ce jour, neuf écosystèmes totalisant plus de 7 hectares ont été reconstruits par plus de 100 ouvriers, cinq ingénieurs et plusieurs engins miniers.
  • L’utilisation des sols superficiels (top-soil) afin de reconstituer des communautés et des populations d’espèces en danger par l’activation des banques de graines : cette action consiste à étaler sur un site receveur les horizons de sols superficiels récoltés dans les écosystèmes cupro-cobaltifères soumis à l’exploitation. De la même façon que pour le transfert de carpettes végétales, un sous-sol correspondant aux conditions édaphiques de l’écosystème est recréé sur le site receveur. Cette technique est couramment utilisée en restauration d’écosystèmes dans les projets miniers et rentre dans le know-how d’une société minière mais n’avait jamais été testée sur des végétations herbacées tropicales. Plus de 16 hectares de sols superficiels ont été étalés et constituent des sites de conservation.
  • La délimitation de zones protégées temporaires est utilisée pendant la phase d’exploitation afin d’assurer l’alimentation en propagules pour les jardins botaniques et les banques de graines. La sélection de ces zones est basée sur un important travail préliminaire de caractérisation de la distribution de la diversité végétale au sein de la concession, mené par l’équipe BP.  Une dizaine de zones protégées temporaires ont été délimitées à ce jo

L’ensemble des actions fait l’objet d’un suivi continu afin d’évaluer leur succès. Les résultats du suivi permettent d’adapter en continu les méthodes et les objectifs du programme. Ainsi, les premières actions ont montré que la gestion des top-soil n’est pas une méthode performante pour reconstituer des communautés végétales cupro-cobalticoles. De la même façon, le succès du déplacement de carpettes végétales dépend fortement du type de communautés végétales.

Concilier conservation et remédiation

L’exploitation des gisements altère les écosystèmes naturels mais crée aussi des habitats secondaires (i.e. remblais pollués) et tertiaires (i.e. sols pollués par des dépôts atmosphériques) qui demandent la mise en place d’actions de réduction des risques environnementaux. La phytostabilisation consiste à fixer les métaux lourds dans les horizons superficiels de sol par le développement d’un couvert végétal adapté aux conditions toxiques. L’utilisation de la flore du cuivre pour développer ces actions de phytostabilisation permet d’associer les enjeux de réduction des risques environnementaux à la conservation d’un patrimoine biologique unique. Des tests à petites échelles ont démontré la possibilité d’utiliser des associations de graminées et d’espèces en danger de la flore du cuivre dans des stratégies de phytostabilisation de sols pollués par des dépôts atmosphériques. A l’avenir, l’équipe BP testera la possibilité de phytostabilisation de remblais, un enjeu majeur au sein de la concession TFM.

Transférer et partager l’expertise

Un programme de conservation de la biodiversité n’est durable que si les acteurs se l’approprient.  Au cours des années de collaboration, l’expertise de l’équipe BP a été progressivement transférée à une équipe biodiversité de la société TFM afin de rendre autonomes les acteurs des actions de conservation. L’équipe Biodiversité TFM, intégrée au département environnement, est constituée de cinq permanents et compte jusqu’à 40 personnes selon les actions à mettre en place. L’équipe BP accompagne cette équipe TFM afin d’ajuster la stratégie globale, soutenir les actions prioritaires et gérer les données produites afin de fournir les synthèses et les propositions d’améliorations. Aussi, l’équipe BP et le professeur Grégory Mahy organisent régulièrement des formations afin que chaque opérateur local impliqué dans une des actions de conservation expose sa démarche et ses limites. Ces discussions alimentent autant les interrogations scientifiques que les éléments d’actions concrètes.

Fière du succès des actions de conservation et sensible à l’activation d’un réseau régional, la société Tenke Fungurume Mining, en collaboration avec l’équipe BP, organise un colloque fin février 2018. L’objectif est de sensibiliser les compagnies minières congolaises et zambiennes de l’Arc Cuprifère, ainsi que les autorités provinciales, à cette flore unique au monde. Au travers cette démarche, TFM et l’équipe BP espèrent lancer une dynamique pour l’instauration d’une mise en cohérence des actions de conservation de la flore du cuivre à l’échelle de l’Arc Cuprifère. Les universités des deux provinces et certains experts seront également conviés aux sessions, voire orateurs principaux.

le projet Copperflora

L'unité biodiversité et paysage de gembloux agro-bio tech

 

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