Une équipe internationale de recherche dont fait partie le Pr Grégory Mahy, chercheur à l'Université de Liège, remet en cause une étude publiée en juillet qui assurait que le fait de reboiser massivement la terre permettrait d'atténuer les effets du changement climatique. Selon l'équipe de recherche menée par Joseph Veldman de l'Université du Texas A&M, la précédente étude n'aurait pas pris en compte des données essentielles telles que la nature des sols. Les commentaires sur cette étude ont fait l'objet d'une publication dans la revue Science(1).
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arce que les arbres capturent le carbone grâce à la photosynthèse, certains scientifiques et groupes de défense de l’environnement préconisent de planter massivement des arbres comme solution au changement climatique. Un groupe de 46 scientifiques du monde entier, dirigé par Joseph Veldman de l’Université du Texas A&M, appelle à la prudence. Dans un commentaire technique publié dans la revue Science, ces chercheurs démontrent qu’une publication scientifique récente(2) a considérablement surestimé le potentiel de la plantation d'arbres à atténuer le changement climatique.
En outre , planter des arbres au mauvais endroit peut détruire certains écosystèmes, augmenter l’intensité des feux et à l’inverse , exacerber le réchauffement climatique. J oseph Veldman déclare : “La plantation d'arbres peut être une bonne chose dans certaines zones qui ont été déboisées, mais la plantation d'arbres dans des écosystèmes naturellement herbacés comme des savanes ou des pelouses va détruire les habitats d’un grand nombre d’espèces végétales et animales et ne séquestrera pas suffisamment de carbone pour compenser les émissions liées aux énergies fossiles.”
Ce commentaire technique est une critique de l’ article scientifique récemment paru dans Science(1) , dirigé par Jean-François Bastin et Thomas Crowther de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich . Ces chercheurs, financés par une fondation néerlandaise à but non lucratif (DOB Ecology ), un groupe promouvant la plantation d'arbres (Plant-for-the-Planet) et le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement, ont affirmé que la plantation d'arbres à travers le monde pourrait ainsi capturer 205 milliards de tonnes de carbone, soit un tiers du dioxyde de carbone émis depuis la révolution industrielle. J. Veldman fait remarquer que “l'estimation de 205 milliards de tonnes de carbone capturées était si importante, qu’en juillet 2019, les unes des journaux du monde entier ont déclaré que la plantation d'arbres était la meilleure solution face aux changements climatiques. Nous savons maintenant que ces gros titres étaient faux.”
Dans leur critique, J. Veldman et ses collaborateurs écrivent que cette étude présente de graves approximations qui ont conduit à multiplier par cinq le réel potentiel des arbres nouvellement plantés à atténuer le changement climatique. Parmi les problèmes, cette étude part du principe que les sols des écosystèmes avec peu ou pas d’arbres, ne contiennent pas de carbone, alors qu'en réalité, de nombreux écosystèmes, tels que les savanes ou les tourbières, contiennent davantage de carbone dans leurs sols que dans la partie aérienne de leur végétation. Cette recherche a également négligé le fait que les forêts de conifères des régions boréales et de hautes montagnes absorbent plus de lumière solaire et émettent plus de chaleur que les zones sans arbres, et exacerbent le réchauffement planétaire plutôt que de l’atténuer. Enfin , l es auteurs soutiennent que la plantation d'arbres dans les écosystèmes naturellement ouverts comme les pelouses et les savanes, promue dans cet article scientifique, est dommageable pour la biodiversité et l'environnement.
Selon les auteurs , “ les pelouses et les savanes anciennes contiennent une immense biodiversité et fournissent des services écosystémiques à l’humanité, offrant par exemple des zones pour le maintien du pâturage et assurant la recharge en eau des nappes phréatiques. Nous craignons qu'une focalisation aveugle sur la plantation d'arbres, réduise la capacité des populations humaines à s'adapter au changement climatique tout en détournant l'attention des efforts de conservation des écosystèmes intacts et de réduction de la consommation de combustibles fossiles ” .
Parmi les co-auteurs, Grégory Mahy de l’Université de Liège (Gembloux Agro-Bio Tech), Belgique, et Vicky Temperton de l'Université Leuphana , Allemagne, ajoutent : “La restauration écologique peut contribuer bien plus aux solutions climatiques naturelles en restaurant non seulement les forêts, mais également les pelouses, les savanes, les écosystèmes arbustifs et les tourbières. »
La réponse des auteurs de la première étude "The global tree restauration potential" > Lire leur réponse
Références scientifiques
Contact
Grégory Mahy , Professeur, Unité Biodiversité et Paysage / Biodiversity and Landscape Unit, Gembloux Agro-Bio Tech, Université de Liège, Tel +32 (0)81 62 22 45, GSM +32 (0)471 96 13 74 - email