Des huiles essentielles pour remplacer le glyphosate ?
Et si les huiles essentielles étaient une solution alternative au glyphosate ? Le Professeur Haïssam Jijakli, responsable du laboratoire de phytopathologie intégrée et urbaine à Gembloux Agro-Bio Tech et co-fondateur de la spin-off APEO étudie cette question.
Si l’utilisation du glyphosate est interdite pour les particuliers belges depuis 2017, il reste largement utilisé par les professionnels, notamment du monde agricole. Le 16 novembre, les 27 se sont prononcé en faveur de la prolongation du glyphosate pendant les 10 prochaines années. Mais pour les agriculteurs qui ne voudraient plus utiliser le glyphosate, quelles autres options s’offrent à eux en matière d’herbicide ?
Le Pr Haïssam Jijakli se penche sur cette question depuis 2011. Rejoint par Simon Dal Maso, ils ont créé en 2021 la spin-off APEO (pour « Agronomical Plant Extracts & Essential Oils »). Explorant les propriétés fongicides des huiles essentielles, les chercheurs en ont découvert une qui agit comme un herbicide total tant sur les des monocotylédones que sur des dicotylédones qui représentent deux groupes majeurs des plantes à fleurs.
« Nous avons commencé par faire une émulsion à partir d’adjuvants chimiques et nous avons obtenu une solution stable, qui peut être entreposée sur une étagère pendant deux ans. Plus tard, nous avons remplacé ces adjuvants par des additifs biologiques tous d’origine naturelle » Pr Jijakli.
Contrairement au glyphosate, qui agit sur un seul endroit de la cellule, le nouveau composé s’attaque à plusieurs sites cellulaires comme ses parois, sa membrane et des éléments internes tels que les chloroplastes, les mitochondries et certaines protéines du cytoplasme. Cette action multisite réduit les risques de développement de mutation et donc de résistance chez les plantes adventices et les dessèche en quelques heures. Il est à noter que son action se faisant par contact, ce bioherbicide ne remplacera pas tous les usages actuels du glyphosate.
La popularité du glyphosate ne réside pas seulement dans son efficacité mais également dans son prix, bien moins élevé que des substituts comme l’acide pélargonique. Dans le cas de la solution développée par APEO, le prix du bioherbicide sera légèrement supérieur au glyphosate tout en restant abordable pour les professionnels.
L’huile essentielle sélectionnée pour ses effets herbicides répond également aux problématiques environnementales comme l’accumulation de produits dans le sol puisqu’elle se dégrade rapidement (en moins de trois jours). Des tests de toxicologie humaine et d’écotoxicologie ont également confirmé que l’utilisation de cette matière active est acceptable pour l’environnement ou pour l’être humain.
Concernant son arrivée sur le marché, APEO prévoit de déposer le dossier d’homologation du produit aux États-Unis et en Europe au début de l’année 2024. Cela permettra à la spin-off de commercialiser une version de son produit à destination des particuliers et plus tard une formule avec une concentration élevée aux professionnels.
Si les propriétés herbicides de l’huile essentielle sélectionnée sont intéressantes pour remplacer le glyphosate, d’autres huiles essentielles pourraient également être une aide pour les agriculteurs en tant que fongicides. Deux doctorats, en collaboration avec l’ULiège, sont justement consacrés aux effets de ces huiles essentielles sur le mildiou de pommes de terre et la tavelure du pommier.
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